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"A chaque anniversaire j'ai levé mon verre à quand je t'aimais d'amour, je t'aimais mon amour"

10 mai 2013

Nous savons tous les deux que le monde sommeille par manque d'imprudence

Bien joué.


T'as quitté Paris, laissant derrière les amertumes, emportant des nostalgies, avide de mettre entre toi et ce monde adoré quelques centaines de kilomètres salvateurs, simplement pour pouvoir l'aimer encore.

T'as trouvé une âme douce et tranquille, prête à accepter tes fuites, à t'aimer à corps perdu.

T'arrives à parler maintenant. Tu te laisses toujours marcher dessus, certes, mais moins qu'avant. T'as même pas perdu ton innocence et t'as pansé tes blessures, comme une grande.

T'es presque en accord avec toi même.

Tu dis les choses quand elles ont besoin d'être dites. On te félicite pour ta franchise douce, mais ferme. La plupart du temps tu sais trouver les mots justes, dépourvu de flagornerie comme de rudesse.

T'as trouvé un truc à faire, pour le moment, et tu vis même dans un pays étranger.

T'as plein de projets... et tu commences à les réaliser.

Tu chantes, maintenant. Et t'aimes ça.

Y'a plus personne qui te dictera ta conduite.

Y'a des fleurs dans tes cheveux, des plumes à tes oreilles, des robes voletantes autour de ta silhouette.

T'es presque saine de corps, et sympathiquement timbrée d'esprit.

Ouais, parcours sans fautes, bravo, compliments.

Superbe, quand on se tait depuis si longtemps et qu'on a même pas la force, sinon de dire, du moins de s'arracher le coeur.

Quand on préfère le poison au remède.

Quand on vibre encore, du chant muet de l'accordéon sans souffle et de la guitare sans caisse. Quand on brûle encore du non-dit existentiel.

Les choses changent... c'est bien ce que tu disais, non ?

Et cette phrase de Brel... fais-la toi tatouer, ça sera au moins esthétique...

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15 août 2011

Ici et maintenant

Hic et nunc. Douce phrase que cette dure maxime, que ces deux mots secs et poussiéreux, surtout quand on ne l'entend pas.
Hic et nunc, sans une parole, sans qu'une syllabe ne franchisse tes lèvres. Je sais, je sens que tu es là, ici et maintenant, tu es là pour moi, tu es là, simplement, tu existes. Quel que soit le signe que tu m'envois, je l'ai compris.
Tu m'as entendue, ce soir. Tu m'as trouvée au premier regard, guidée sans mot dire, sans indications, et je t'ai aimé, ici et maintenant, avant même de penser à l'après. Sans procrastiner, pour une fois. Et ton étreinte matinale a confirmé ce qu'obscurément, j'avais espéré. Confirmé que même l'instant passé, tu avais été là, pour moi, que tu partageais ce que je craignais d'être seule à ressentir.
Ils ont été là, aussi, un autre soir, un autre temps, un autre toi. Tu avais le visage de l'amour, d'une passion sans limite, infinie comme seuls peuvent l'être les instants. Tu n'as jamais prononcé ces mots, en quelque langue que ce fût : tu étais, simplement. Et, sublime litanie, la maxime résonnait en moi, comme si tu l'avais à la fois crié et murmuré à mon oreille, chant transcendant, déclaration immense, qui fit trembler sur ses fondations la tour de mes sentiments, pénétrant ma chair, submergeant tout. Délicieuse noyade d'un moment, ici et maintenant.
Rares minutes, chères secondes qui ont allumé mes sens et mon âme. La vie elle même distillée à mon oreille sourde aux bruits du monde, je suis là, je suis là, je suis avec toi, nous pouvons partir, ici et maintenant, loin de ce que le chaland nomme réalité, loin de l'affreuse routine, du bonheur faussé.
Hic et nunc, c'est l'unique à portée de main, l'inoubliable acmé du désir, l'incommensurable bien-être de la complicité naturelle, de la compréhension mutuelle. Hic et nunc, ou la plus belle image du verbe aimer.

4 août 2011

"Et le ciel rejoint la mer..." (Chroniques d'un été, 11/07/2011-04/08/2011)

Un souffle, perceptible pour qui sait l'écouter. Un parfum enivrant, aux notes de vanille. La Lune, Dame d'argent, s'est hissée dans le ciel, et illumine de ses feux voilés le sable envoûté.
Lente danse des corps et des ombres sous les éclairs et les éclats. Pluie de sel, cascades d'eau de mer ruisselante dans les cheveux dorés sous la noirceur des cieux où dansent les étoiles. Il est là sur le pont, le loup de mer, le mystérieux gentleman, le maître de l'instant, l'infini à portée de boîtier. Et que passent les gens, et que rient les ignares, et qu'insultent les ineptes. Rien ne trouble en ces lieux sans temps le doux regard de la Muse câline, de la belle sculpturale déesse au culte secret qui se cambre amoureusement dans la chaleur fraîche, perçant de ses yeux de flamme le spectateur ébahi.
Soupir de Muse, qui donne au monde l'espoir de la Beauté, la croyance en l'espoir même.

Un autre jour, un autre ailleurs sans nul doute. Les feux de joie humaine se mêlent pour un temps à ceux, si purs, de la Lune presque pleine. Les amants qui s'ignorent s'enlacent, ballet enfantin, jeux de mains, promenade aquatique au bord de la crête des flots. Que passent et repassent les instants volés, les regards furtifs, les silences apaisants de l'obscurité complice. Qu'éclatent les orages et que flambent les nuages dans la rosée des couchants, je suis là, je te regarde, mes yeux percent avec toute la tendresse du monde la carapace badine de mes mots hésitants, l'armure invisible de tes pensées inaccessibles. Tendre secret brisé maintes fois, et pourtant. Mémoire d'un monde où il était si simple, mais si beau encore, d'embrasser sans une parole le serment sans contraintes qui lie les coeurs sans verrou ni cadenas, dans la seule étreinte du vent, dans la caresse de la douce averse d'un été qui se meut doucement, relie Ciel et Terre dans un sublime acte d'amour.

Le Temps s'étire dans la paresse légère des jours. Ta présence est chaque fois plus forte, chaque regard perce ma chair et frissonne sur mes joues, tu m'embrase, la Lune bienveillante, les criquets et les grillons, seuls ou entourés dans la splendeurs des nuits, dans l'extase des nuages colorés de couchants. Chaque heure passée, chaque seconde échangée entre ta prunelle si parfaite et mon oeil rougis encore de la si folle audace, la si ridicule tentative, sont autant d'ondes vibrante et tournoyantes, profonde comme le grain des notes sur un piano, inaccessibles, inaltérables par toute volonté humaine. Ta peur soudaine, telle une ombre se détachant de l'ombre sans parvenir à la lumière, je l'avale et la fait mienne. Le tremblement de ma main, je le cache sous la table, je l'enferme dans les plis de mes jupons, je l'arrache à ta contemplation qui, je m'illusionne, ne pourrait souffrir cette faiblesse avouée. Et je rêve alors, je rêve encore dans le chemin qui me ramène dans les cahots vers mon chaos, vers le tourbillon insatiable de mes pensées destructrices, illusionnées, sans buts autre que de se complaire dans leur inanité, dans la poésie vide de sens des mots qui sonnent dans le silence.

Brise bénie de l'été salvateur, vents et marées imperceptibles mais tenaces des bords de la Méditerranée. Aujourd'hui, princesse du mistral et de la tramontane, je chevauche en riant les souffles virulents. Voler, oui, voler enfin, dans l'insouciance et dans la confiance, dans l'inestimable force de la jeunesse.  Volent aussi les mains de l'artiste sur la glaise qu'il sculpte, pouce à pouce, légères pressions magistrales qui forment l'informé, donnant vie à la création. J'observe en silence sa magie, sa subtile chorégraphie taciturne et modeste, qui fera de mon corps son oeuvre, lui insufflant une nouvelle existence, un but abstrait et passager comme les blancs nuages qui se promènent sur l'azur des cieux. Capteur d'instants, à sa manière, il est loin déjà quand ses mains expertes pétrissent avec soin et indifférence feinte la terre grossière, dont lui seul voit la forme finale, quand d'un regard il saisit le geste, l'expression, la figure qui éveillera ses sens et le poussera vers ses outils, armes pacifistes d'un chevalier moderne, aspirant à un monde plus beau sans porter de coups autres que ceux qu'il administre à sa matière. Douceur de ses mains un peu usées, douceur de ses yeux fins, douceur de sa voix aux accents d'orient, douceur de vivre enfin, dans le soleil salé, spectacle ininterrompu et renouvelé, les Alpes qui se reflètent dans la mer démontée, les roues grinçantes et monotones indiquant non la durée mais le Temps lui même, dans son inexorable fixité, tournoiement égal et silencieux, toile de fond de notre inconscience trop humaine, vains désir d'en modifier le cours, vaines suppliques auxquelles ce soir, je suis si loin de penser.

Des yeux. Que n'en ai-je vu ces temps-ci ? Vert tendre, bleu azuré, noisette cendrée, que d'yeux, que de regards intenses ou timides, que d'indifférence et d'attention! J'aime tes yeux d'un brun qui se colore de braise, encadrés par de sombres cils, j'aime tes prunelles vert d'eau où nagent des paillettes dorées, j'aime la pureté de ton regard bleu, celui que j'ai contemplé tout mon saoul, jusqu'à m'y perdre, m'y enfoncer sans crainte, ah, et cette étreinte, et ce plongeon, mon corps s'en souvient encore, tant il fut électrifié, secoué, parcouru de mille lumières, et abandonné ensuite, d'un clignement des paupière, à la solitude la plus terrible. J'aime encore, toujours, et j'aime l'amour, grisée par la sensation soudaine, et pourtant si tenace, d'un coup de foudre et de tonnerre, j'aime les longs silences sans une gêne, j'aime ta peau qui me fait frissonner, j'aime ta main posée sur ma taille, dans un élan pourtant réfréné, j'aimerai sentir tes lèvres d'un peu plus près.

 "Un baiser, à tout prendre, mais qu'est-ce ?". La mer. Calme, limpide, d'un bleu profond, où se mêlent ce soir des touches de jade. Un baiser. Échange subtil de tendresse. Chaleur. Bonheur. Étreinte consacrée dans les vapeurs de la nuit. Tes dents blanches. Cette musique. Un tout inégalé...
Et tes mains, nerveuses mains d'homme, brunies par le soleil, séchées par le sel, douceur sur ma peau. Tes yeux, encore. Tes yeux m'obsèdent. Leur azur est si pur, teinté de reflets verts, que le ciel en est pâli. Recevoir, donner, lentement, impulsivement, la caresse de tes lèvres de miel contre ma bouche vermeille, ton bras qui s'étend, attrape, maladroit, les plumes folles de ma chevelure, attirant l'instant, précipitant le moment, se rétractant dans un éclat de rire, revenant ensuite, ballet continuel qui nous emporte, sans témoins dans la rue déserte qu'éclaire faiblement la braise rougeoyante de ta cigarette. Ah qu'elle est sans surprise, cette scène aussi vieille que le monde, et pourtant. Pourtant elle est unique cette fois encore, magique, inoubliable, elle est union, esprit, corps assumé, la vie bue à même la coupe de ces jolies lèvres surmontées d'un voile doré, à même ce visage lumineux, à même ces prunelles sans défaut, grandes ouvertes sur le monde, brillantes d'intelligence, âme profonde et encore inconnue, dont les premiers feux ne sont qu'incitation à l'embrasement, à la découverte d'un foyer de splendeurs que seul le Temps pourra dévoiler.

Et vient, cette nuit, l'extase. La jouissance pure. Le silence de l'homme et l'éveil de l'âme. Le corps parle de lui même. Aucune maîtrise. Juste laisser venir la vague. Attendre. Voir l'aube au loin se lever. La lune se presser. Les bateaux et les marées. Peau contre peau et guidés par les soupirs.
J'ai trouvé la paix dans ta voix douce, dans tes bras puissants, dans la chaleur de ta poitrine, dans la souplesse de ton corps musclé. Pour la première fois, je revivais, différemment, un véritable échange. Tu étais en moi, j'étais à toi, possession sans violence, mais ferme, vigoureuse, torrent de plaisir, onde de bonheur qui monte, déferle sur nos corps électrisés.
"Are you effraid ? - No I'm not, I feel confident. - When you are in my arms, you have not to be scared, I will protect you...".
Et tu as tenu parole et promesse. Dans tes bras brunis, je renais de mes cendres. J'aimerai ne les quitter jamais, conquise, brisée, à tes pieds, et voilà que tout recommence, j'ai peur, j'ai peur de vouloir un jour t'appeler mon amour. Ah, ces lèvres si fines, si douces, au parfum de miel, la chaleur de tes yeux qui ce soir, étaient d'un si beau vert, et cette indicible tendresse qui s'est dégagée de tout ton être, englobant tout l'espace... oh, non, je ne peux l'oublier c'est trop, et j'ai déjà mal de voir que ce soir tu n'es pas à mes côtés.

La route est longue aujourd'hui, dans l'extase perpétuelle des jours. Je ne crains plus la mort, maintenant, puisque ce présent est si grand, si vaste à explorer, et que le futur n'est qu'un mirage qui se profile. Et que passent les cataclysmes et les catastrophes, les bassesses humaines, l'impitoyable ritournelle, la spirale du meurtre. Rien à faire. Mon monde est ailleurs. Confiance en l'homme, tendre confiance en ces surprenantes découvertes, en ces douceurs de vivre, en ces rencontres merveilleuses. Et que parlent les politiciens, et que grommellent les sceptiques, les blasés, les dépressifs, les cyniques. Je préfère brûler, brûler jusqu'à la douleur, me briser bras et jambes, courir jusqu'à perdre haleine, me noyer dans un océan déchaîné, plutôt que de larmoyer, de hocher la tête depuis mon fauteuil en regardant la rue où je n'oserais aller. "I love love, I love make love, I love you; isn't a good way for life ?"

Tempête. Le tonnerre gronde, la pluie, monotone, emplie de limbes, vraies larmes de ciel, pour le coup. Parfum du départ. Tu t'en vas, et cette vieille chanson, ce refrain démodé, me tourne en tête, un amour de vacance, une histoire sans lendemain, stupide, lente, idiote, accumulant les clichés, et pourtant j'en suis presque à pleurer. Time to go. Appréhender ces quelques jours, dans les mêmes rues où nous nous baladions enlaçés, ces mêmes gens qui nous souriaient, et s'efforcer de ne pas y penser. J'aimerai te crier, oui, encore une fois, je suis amoureuse, te dire je t'aime en toute les langues, te supplier de ne pas t'en aller. Mais ce serait une erreur. Libre. Tu te dois de l'être, tu l'es, je ne serai pas la cage qui te retiens, et puis je ne le pourrai jamais, je ne le voudrai jamais. Le monde à ta portée, le vent en poupe. L'amour, la création, la vie, les gens, tout ce qu'on doit voir, tout ce que je dois voir aussi, sans toit, sans toi, sans moi. Simplement, s'il te plaît, ne m'oublie pas. Retrouve moi un jour, avec dans ton sourire cette tendresse inchangée, cette complicité, cet éclat si chaud, brûlant au fond du regard, cette même lumière. Ta lumière.

Presse encore, presse plus fort, ton corps contre mon corps, ta peau frémissante, baignée de sueur, chaleur, extase nocturne sous le ciel d'été. J'en oublie mes peurs, mes déliriums, ces vagues à l'âme, ces doutes qui me rongeaient. J'oublie tout dans ces bras-là, dans cette étreinte forte et tendre, dans ces mouvements nerveux qui t'agitent, dans la souplesse élastique de ton torse. Je suis onde et vague, brisée sur le roc de tes membres dorés, sublimée dans la splendeur des étoiles. Je suis toi, en toi, face à toi, avec toi, je n'existe plus, nous sommes, en ce moment, un pan d'éternité sur la toile des instants.

 "Sunny boy". Le soleil en est presque voilé depuis que se rapproche, inexorable, le couchant, le départ, la fin de ton règne. Sunny boy, dans la nuit, dans l'adrénaline des instants volés à la pudeur citadine. Sunny boy, aux yeux voilés de sommeil, dans la brume caféine. Sunny boy, astre inconscient et inconnu, sublime secret des temps, condamné aux allers et retours sur le sable aggressif, Sunny boy qui s'en va, s'en va sans savoir dans quelle terrible nuit je plongerai... 

La fin du chapitre. La conclusion, le cut final, les points de suspensions hésitants en bas de page. Et l'angoisse, le vertige infini, d'une feuille blanche aux promesses lointaines encore. J'aurai obscurément voulu que ce moment ne finisse jamais. Qu'il soit gravé sur une pellicule, figé sur papier glacé, encadré, comme mort, mais là encore. But the show must go on.
So long, my sweet Sunny Boy...

Lebo som down. Que le voile se déchire, que cette réalité lumineuse fasse place aux matins gris, et à l'odeur douce du café pris dans un demi sommeil au comptoir d'un zinc parisien. Que les jours perdent l'éclat rosé des levers de soleil sur la mer, perdent le parfum du sel et la brûlure du sable. Pour moi, l'été se meurt, et le ciel d'ici annonce déjà ce que seront les jours prochains, là bas. Lebo som down. Jamais ta langue ne m'as parue si triste, si mélancolique. Je la comprends presque, sans y réfléchir, elle sonne dans mes oreilles, résonne familièrement. C'en est fait de ce temps. L'avenir s'ouvre, immense, gigantesque, une fois encore angoissant, jusqu'à ce que la marche soit gravie, franchie. The Great Gig in the Sky.
"And I am not frightened of dying. Any time will do, I don't mind. Why should I be frightened of dying? There's no reason for it — you've got to go sometime".

"And you run, and you run, to catch up with the sun, but it's sinking, and racing around to come up behind you again".

 

jane and shirley

7 juin 2011

Paris triste et gris qui se perds dans la pluie,

Paris triste et gris qui se perds dans la pluie, dans la fraîcheur nouvelle d'un mois de juin étrange et tourmenté. Sur l'écran défilent les péripéties noires et blanches, étonnamment colorées, d'un petit bonhomme moustachu et arqué. Et les heures s'écoulent, sonnantes et tremblantes, dans la lenteur environnante d'un sceptique début d'été.

Réfugiée sous les toiles illustres, perdue dans l'imaginaire fantastiques des artistes de l'image et du son, qu'il est doux, qu'il est bon d'espérer, de pleurer de joie et de tristesse, saisie soudain par les trépidations d'une histoire qui s'étend, qui gonfle et enveloppe l'univers alentour ! Tendre oubli des querelles terrestres qui fondent et se mêlent aux sentiments empruntés, donnés offerts pris sans vergogne sur la peinture mouvante, sur les paroles lancées par des acteurs trop personnages pour croire encore au cinéma. Jouez, jouez, nous jouons tous et vous mieux que personne, aujourd'hui je crois aux histoires d'amour, aux voyages sans retour, à la beauté du monde. Aujourd'hui je crois en vous, en moi, m'imaginant à vos côtés et sur les rivages des possibles immensités, et j'aime sincèrement sans penser aux conséquences, transposant de mon esprit dérangé les banalités navrantes en histoires chevaleresques, romantiques, dramatiques et toujours fortes et uniques. Oui j'oublie même les erreurs et les ratés, les échecs navrants, j'oublie les résolutions qui poussaient de ne plus rien, jamais, imaginer et croire que peut-être, aujourd'hui ils existent, les héros et les princes, les maladroits prétendants aux sourires charmants, je suis princesse et aventurière, cosmonaute et globe trotter, hippie des sixties sur sa montagne Népalaise, artiste émérite et cheval blanc courant dans les montagnes.

Tout est bon à prendre, la journée s'achèvera comme une séquence finale, cinéphile dans l'âme et rêveuse avant tout, emportée enfin dans une élucubration inoffensive, ou peut-être que justement, mais las d'y penser l'heure n'est pas à la question mais à la vision, retournons, retournons nicher dans les montagnes et les mers, dans les pronfondeurs de la terre, dans une Amérique des années Trente où il fait si bon être un clochard sympathique et souple, un tendre bougre au grand coeur qui fait frémir, rire et pleurer, retournons sans vergogne vers la magie orchestrée et toute humaine d'une toile tendue sur un ciel de promesses, sur laquelle se projettent encore et à jamais les reflets tremblotant d'une noire pellicule.

 

 

chaplin

31 mai 2011

So easy to look at, so hard to define

"Now the beach is deserted except for some kelp
And a piece of an old ship that lies on the shore.
You always responded when I needed your help,
You gimme a map and a key to your door."

Bob Dylan

 

Où es tu, maintenant que le Temps implacable a transformé nos secondes en souvenirs de perdition ?

Où es tu, à travers les torrents desséchés et les plaines désolées, dans les monts pelés balayés par les vents sans scrupules des nouveaux déserts ? 

Acte manqué de l'inconscient torturé qui réfléchit sans agir, tournant et retournant sans fin ses rêves jusqu'à y croire si fort que la moindre poussière, la plus petite pierre glissée dans ce mécanisme du réel, peut mettre à terre le plus élevé des songes. Remord éternel du si et du mais, qui acculé face au passé inchangé ne peut qu'avancer dans la douleur et dans la peine, jusqu'à ce que vaincu par le Temps, il accepte enfin son cours cruel, accepte de relancer les dés et de continuer, portant au coeur la blessure de l'erreur imprévue par trop de procrastination.

Océans de mots, maudits intellectualismes qui fabriquent sur un instant un monde onirique, qui nous donnent, pauvres mortels à l'ambition démesurée, l'impression tenace d'être invincible qui cache la certitude de l'inaction.

Non-dits qui se perdent dans le silence éternel de la honte; maudits, oui, maudits termes que l'on s'empêche de prononcer de peur de briser la sublime harmonie d'un instant, de blesser, de perdre la minuscule certitude d'une stabilité, mais que l'on ne peut éluder de notre esprit, qui semblent prononcés, qui moulinent des situations schizophréniques, des êtres chimériques que la réalité se charge de renvoyer dans les airs, dispersés comme autant de fumée par ses souffles glacés.

Je t'aimais, je t'aime et tu ne le sauras jamais. L'histoire se répète, parce qu'encore une fois le courage n'y était pas, et j'enrage, j'enrage dans ma solitude stupide, j'enrage d'être aussi timorée, aussi prudente, quand mon coeur hurle et que mes yeux brillent, quand un geste me donne des frissons et que ma gorge se coince, que mes poumons foutent le camps, que mes cordes vocales ne vibrent pas à l'unisson avec la corde sensible.

Et si, et si, et si seulement. Je rêve de perdre la voix comme j'ai perdu la voie le jour où, embrassant de vaines conventions, j'ai prononcé un voeu de silence partiel et idiot, et tout un bagage de termes abstraits auxquels je prête un sens imbécile, timidité, gêne, peur, prudence, quand ma nature me criait de dire sans crainte, de me servir de la parole comme d'un outil, comme ce qu'elle est, plutôt que de l'écouter se dérouler. Me voilà sur le rivage, versée dans les flots de mes larmes qui jamais ne couleront devant toi, cachée derrière un sourire qui ne se départira pas de ses apparences, quand j'aurai voulu que tu me vois toute entière, dans mes forces et mes faiblesses, offerte comme je le fus à ta tendresse. Et je garderai au fond de moi, comme un joyau illuminant mes jours, la promesse de réussir, une prochaine fois, parce qu'on ne change pas tellement, finalement.

 

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14 avril 2011

Après la pluie II

Musique enivrante, succession de sons grêles, instruments éoliens peut-être, dont je ne saurais même pas donner les premières syllabes, les premières lettres d'un nom qui s'enterre dans l'oubli de mon cerveau surchauffé, fatigué, martyrisé par son égotisme grandissant qui m'oblige encore une fois à recourir à ce pronom "je".

Musique enivrante, donc, répétitive, obsédante; névrose auditive tournant et retournant, qui devrait cesser, que je devrais arrêter d'un simple geste qui ne vient pas, comme une complaisance de cet état flottant, qui me serre le cœur et me prends au corps, fourmillement intense et frisson électrique depuis la pointe de mes cheveux jusqu'aux racines de mes jambes, déracinées depuis trop longtemps peut-être, s'attardant sur mon échine. De mes yeux clos et enfiévrés par les visions chimériques d'un inconscient mirage, monte une mélopée étrange sans autre mélodie que le vacarme silencieux d'images rebondissant sur les parois de verre de la cornée, visant l'iris et sa corolle dorée. Image d'un passé qui n'est pas le mien, ou peut-être bien, d'un futur trop familier et trop étranger à la fois, une perte totale de repères, si ce n'est ma musique, cette musique qui me guide.
Ouvrir les yeux, pour apercevoir, stigmates éphémères de cette agitation interne sur ma nuque tendue, mes bras repliés, mes mains séchées, marquées de cicatrices minuscules, de plaques purpurines, de griffures d'ongles encore visibles, inconscientes blessures de l'âme sur le corps.

J'ai froid ce soir, un beau soir d'avril pourtant, couché sur une journée grise que je n'ai pas vue passer; par le coin de fenêtre, la lumière jaillit faiblement mais sûrement, orange et violette, obscurcie par les feux sombres, estompée par le rideau épais comme l'air qui entre dans mes poumons. Boule ou creux terrible, qu'importe, j'ai mal, mal à en crever, une douleur ni physique ni psychique, inexplicable encore. Solitude accompagnée par une présence devenue si ténue malgré ses apparences, seule dans cet appartement partagé, seule entre un écran de papier et un ordinateur, seule enfin mais pas triste, pas déprimée, pas même angoissée. Mais dans l'attente.

Johnny Clegg vient enfin remplacer René Aubry. Une chanson pleine de fougue et de jeunesse, bataille sans violence, lutte sans challenge, mouvement des corps. Rassérénée mais pas guérie encore, mais est-ce une tare, de mes visions, je m'abandonne à leur transcription automatique. Tâche sommes toutes aisée, puisqu'elles sont, elle est même, toujours identique. Toujours ce mélange végétal et humain, armature musculaire couverte de champignons, de feuilles, au regard franc et vert, mystérieux comme un Pan, glorieux comme le Soleil irradiant les plaines, avançant vers moi, unique observatrice et seule visée de mes hallucinations égocentrées. Je trouve toujours apaisement et réconfort dans ses grands bras feuillus, fins et durs qui se font soudain écran de tendresse. Obscurément connu; mais jamais je ne lui ai demandé son, occupée que j'étais à cueillir passionnément la volupté que m'offre toujours son étreinte. Et ce soir encore, il est loin, il s'éloigne de plus en plus, pendant que croît la boule gigantesque, remontée jusqu'à la trachée, qui n'est non plus une attente, mais la douloureuse sensation d'une absence.

J'aime. Qu'il est doux et trop usité à la fois, ce petit vocable ! Ce n'est sûrement pas le bon de toute façon, je ne sais même pas ce qu'il signifie vraiment. Reste que mon Grand Pan demeure bon amant au cœur de mes neurones qu'il tourmente comme un jeune homme distant ferait sans le vouloir souffrir la fillette qui ne vit que pour ses regards, et qu'aucun professeur Nimbus ne le tuera, celui-là. Je rêve qu'il revienne encore et qu'il entoure mon corps de sa puissance, je me ferais sa nymphe, me transformant en saule ou en roseau sifflant au vent, je le verrais partir encore, avec au cœur le bonheur de sa présence passée, et non plus l'angoisse, car ça y est, c'en est, d'un retour trop incertain, la crainte de l'avoir blessé ou gêné par mes soupirs, par mes espoirs trop humains qui me poussent à consulter les oracles et les Cieux, par cette possessivité que j'abhorre et dont mon cœur ne peut encore se départir; j'abandonnerai tout ça pour toi entends-tu, nous batifolerons chacun de notre côté, nous retrouvant mêlés ensuite dans une extase sublime, oui je suis prête à toutes les folies, à toutes les épreuves.

Mes nerfs tendus se relâchent; la vision passe, sous les notes de Brassens qui lui aussi interroge les nuées pour percer le secret des limbes. Oui, il faut se calmer et attendre encore, en se persuadant qu’on n’attend rien, en attendant quand même, en priant pour que cette vision revienne encore, quitte à en souffrir encore un peu plus chaque fois. Tu vois, je ne perds pas espoir, et c'est bien la pire des choses qui puisse m'arriver aujourd'hui, mais ça y est, mes larmes ont eu le temps de sécher, et mon corps ne laisse plus paraître que ces stigmates indéchiffrables dont tu m'avais guérie, qui j'en suis sûre disparaissent à chaque rencontre. J'étire un sourire sur mes lèvres, en pensant à tout ça, à ces journées folles qui viendront, à ces instants présents devenus passés, et qui se multiplieront encore peut-être.

Après la pluie, le puissant soleil reviendra m'éclairer de ses rayons, et tu réapparaîtras pour me donner cette extase. Après la pluie... voudras-tu bien me pardonner cette attente ?

 

René Aubry, Après la pluie II :

http://www.youtube.com/watch?v=Jl9_5u_krkI

 

 

 

1 avril 2011

Affleure de pot

Écoute le silence qui s'étend, s'élargit, occupant la place. Doux silence où il fait bon se lover, sans oser le briser, sans risquer un mot qui s'élèverait aigrelet dans l'atmosphère feutrée. Tu respires. Je sens sous ma main ton dos se soulever régulièrement, dans un profond mouvement à la fois aquatique et aérien, mer bercée doucement et majestueusement, blanc comme son écume, pour le moment. Tu dors, et je veille, créant à tes côtés et sur ton flanc le fruit de ce que mes doigts ressentent. Tu es si calme, ton énergie se diffuse au bout de mon pinceau et le guide, cet tableau accompli sans trembler, c'est étrange, autant que de voir peu à peu se matérialiser un sentiment confus, qu'une conscience enfouie peine à dévoiler à mes sens. Une peinture automatique sans automatisme, pourtant. Drôle de personnage, à la fois familier et saisissant, ami de toujours qui hante ma mémoire, découverte soudain, sensible, d'un rêve que l'on n'ose croire. Je sens tes membres se durcir, se réanimer, mouvance ondoyante du réveil sans malheur, de l'éveil en douceur. Tu es de nouveau là, tu me regardes de tes yeux emplis d'une lueur apaisante, comme un encouragement : là quoi qu'il advienne. La danse se poursuit, je tourne autour de toi, statue si vivante, vibrante, dans un silence à peine troublé, à peine assourdi dans la nuit parisienne. Sans temps, cent ans passent et peuvent passer, me voilà dessinant dans ta nuque les frondaisons de mes mirages, hallucinations conscientes qui surgissent soudain, s'accomplissant comme un présage sur ce support que tu m'offre ce soir. La lumière éclaire tes lèvres qui murmurent, comme un chant mystique, les paroles pleines de sens d'un livre chéri, les faisant naître et éclater dans l'atmosphère, feu d'artifice verbal qui laisse notre silence planer, l'accroissent même, ce silence sans gênes, sans pudeurs, sans hâtes, un discours épuré qui laisse planer la compréhension dans les sphères de la conscience.
Ta voix résonne dans la lecture lente, patiente, d'un mythe de Robinson revu dans ses aspects élémentaires et secrets. Ces mots, ces phrases qui me guident soudain : Speranza c'est ici, c'est moi et toi, la grotte est cette cavité, cette obscurité soudaine aux airs de brèche dans l'espace-temps, introspection duelle dans l'apprentissage d'un autre dont je déshumanise l'apparence.
Te voilà à mi-chemin du rêve et de la réalité, mi-homme mi-plante, je t'appelle faune, mais le terme est impropre, créature de Flore, tu pousse à l'envers du haut vers le bas, tes racines sont célestes, évanescentes. Moments secrets qui ressemblent à une fin, à un début, tragédie du dernier coup de pinceau, de la dernière touche de couleur, la tension est à son comble mais ton regard serein me calme, ta voix a repris la lecture, Créon se déchaîne dans ton intonation, mes pinceaux suive le trajet délicat de la courbe d'un muscle, qui disparaît soudain, devenu meuble, mouvance en projet, qui dans un soudain envol sera une surprise plus saisissante encore qu'une statue prenant vie et vue, une statue ramenée à la conscience, sensible, sensitive. Voilà. Voilà, la boucle est bouclée, la nuit s'achève dans la rosée matinale, la vie reprend dans les couloirs des métros, la rue se réveille, pendant que nous nous y endormons, dans son sommeil sans rêve, que nous nous laissons glisser du sans temps au temps minuté, chronométré acharné. Refermer la brèche, pour ne pas perturber, ne pas jouer avec ce qui nous dépasse. Il le faudra sûrement un jour, à moins que ?

 

 

"Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde ! Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé..."(Antoine de St-Exupéry, Le Petit Prince)

 

21 mars 2011

Le corps expressif

Trouves-moi; enlace moi, serre moi, dis moi sans un mot que tu n'es pas loin. Reste, oui, reste, j'ai confiance, vous êtes un, nous sommes tous, tous, oisillons perdus aveuglés de terreur et lâchés dans un monde de regards. Regards, je les sens peser sur mes épaules, épier le moindre de mes gestes, le moindre frisson qui court sur mon échine. Où es-tu, et toi, et toi, où es-tu que l'on se retrouve et que l'on se protège, que l'on se découvre sous ce jour nouveau et obscur; créons entre nous un nouveau décors, entre soi et Moi, dans un rêve éveillée, sous l'assistance silencieuse, la lumière invisible dont je ne sens que la chaleur éparse. Plaisir de ton contact sur ma peau dénudée, plaisir de sentir enfin la vie dans ce monde de silence, groupons nous tous ensemble, la vie sera plus douce une fois que le monde aura ouvert ses yeux pour plonger dans l'obscurité.
Dans l'isolement de ma cécité, dans cette surdité soudaine qui me coupe du monde, le regard se fait toucher, et ce que je découvre est beau et étrange. Formes humaines déformées par le nombre, je vous sens tournoyer, ou bien je tournoie, nous courons à notre temps, se moquant soudain du reste, quand nos mains sont liées. Drame soudain de la perte d'identité, je ne suis rien sans vous, revenez donc, nous sommes exposés, admirés scrutés colorés, ah, te voilà, reste et t'en vas, j'aimerai que tu ne partes pas, mais vas, vas, j'irai aussi découvrir le monde, ouvrir d'autres yeux à la couleur intérieure, dans un subtil mélange que vous verrez gris et sale, mais que nous voyons lumineux, réel, déconnectés enfin de tout parasite. Regardez vous, nous, je, ils, elle. Voyez nos yeux ouverts sur un monde nouveau. Nous vous regardons aussi, par-delà nos paupières closes, sans jugement, en toute paix, comme une invitation, un aperçu. Mais je m'égare soudain, je suis perdue sans toi, prends-moi dans tes bras, groupons nous vers le sol, tous ensembles, serrés face au monde. Il est temps, hélas, d'ouvrir les yeux : temps de retrouver les conventions et les faux-semblants. Mais laissons là cette pensée, en un ultime moment, serres-moi contre ton coeur, donnes-moi la main, transformons ce moment fugace, figeons-le en mouvement dans cet espace, et riez, riez, spectateurs, riez de nous, riez de vous, plus rien n'est important que cette étreinte de tous et de chacun.

2 janvier 2011

De rien

L'angoisse de la feuille blanche que l'on voudrait remplir. Si facile, quand on en rêve, si ardu quand on l'écrit. Où est la plume, la logorrhée qui tantôt se déchaînait dans la tête ? La voilà partie, maladroitement remplacée par des mots lourds, disgracieux, si éloignés, si fats, que l'on en déchirerait la page. Et pourtant. Pourquoi l'envie d'écrire persiste-elle dans l'incapacité, dans l'erreur ? Voyez, j'écris sans écrire, j'écris pour dire les choses que je ne devrais pas dire, multipliant parfois les fautes d'orthographes, les erreurs de grammaires. J'écris l'inutile. Si seulement. Si seulement je pouvais écrire la montagne et la mer, la douceur des flots gris que j'aperçus hier matin, le ciel d'hiver d'un bleu roi sous le rare rayon de soleil, et toutes ces choses qui étincelaient dans ses feux dorés. Décrire la sensation, décrire la beauté, l'extase devant un soleil plongeant dans la baie du cap d'Antibes, une boule orange encore flamboyante dont l'absurde splendeur, l'inexplicable attrait dissimule les grossières villas qui défigurent la colline. Parler la musique, dire les souffle des trompettes, exprimer avec des mots les mouvements d'un archer sur les cordes serrées, dans l'explosion cristalline des flûtes, dans le tressaillement des cordes supposées d'instruments inconnus. Écrire la révolte et la haine, l'impuissance terrible d'une colère qui gronde au cœur de la poitrine, mais non, non, ça ne vient pas, ça ne va pas. Paragraphe à rayer, à raturer, rien n'y fait, rien. Pourquoi faut-il qu'ils viennent quand je suis loin d'un stylo, loin d’une idée ? Je sais manier les mots quand il me faut écrire pour une cause précise. Je sais combiner les adjectifs et les adverbes, inverser sans lourdeur les tournures, jouer avec les verbes. Je sais prendre un ton dramatique, docte, révolté, ironique. Je sais montrer ce qu'il faut montrer, dissimuler, ou modérer mes propos. Ma main est reliée à mon cerveau d'étudiante, elle obéit sans trop de mal à l'injonction scolastique de bien faire. Mais quand rien ne l'y oblige, la voilà machine inutile et sans aucune initiative. Ah, çà, je sais formuler, et ne sais pas écrire.
Parler, inventer, disserter, étoffer, parler sans rien dire, juste pour entendre les mots sonner comme des cloches domestiquées et sans âme. Moi, dans mon inconscience, dans mon orgueil, je veux être Thot créant l'univers sous la pointe d'un stylet et sortir le monde du chaos par la force des mots. Je veux placer la voûte céleste d'un seul verbe, connaître les formules magiques des anciens prêtres, et faire jaillir le feu de mes mains. Et je veux sans vouloir, puisque sans force ni pouvoir. Le je prends trop de place. Le voilà tombant dans les abysses, me revoilà jouant avec mes verbes et mes mots, comme une gamine avec ses cubes. Se vouloir Cyrano, c'est se retrouver plus bas que rien.
Et il retournerait au rien bien plus vite, bien plus simplement, si je ne m'acharnais pas. Si je ne collectionnais pas les échecs et les ratures autour des rares instants d'espoir. Et bien soit, restera. Et comme je n'ai pas plus d'idées à la fin qu'au début, que je ne peut décrire ma gorge serrée, ma tête pleine de révolte, de honte, que par des adjectifs vides et incompréhensibles, je repose la plume, enfin non mes doigts, dans un silence qui attendra le suivant.

 

16 novembre 2010

I'm called home... to Cornwall

Et les jours se suivent et se déchirent, sans cesser d'exister. Et dans les boulevards haussmaniens resplendissants de noirceur et de nuée, mon pas rythme les heures, mon coeur se sèche, peu à peu.

Aujourd'hui pourtant, quelque chose est revenu, une impression fugace : la lumière étrange, à la fois douce et extrêmement brillante, une lueur de fin d'un monde, éclatait au dessus de la ville, emplissant mes veine d'un sang neuf, que même le froid qui s'installe n'a pu altérer. Sang neuf que je sens battre à mes tempes, pulser dans les moindres recoins de mon cerveau, se glisser à mes poignets, à mes doigts, et écrire à nouveau. Paris redevient belle à mes yeux, elle que je ne voyais plus depuis des semaines, empêtrée dans des pensées obscures et négatives.

Mais le besoin reste; besoin de grands espaces, de nature sauvage, de récifs dangeureux battus par les fureurs de la mer du Nord. J'ai besoin de temps, pour m'assoir au pied d'un grand arbre, sous le givre naissant, du temps pour méditer et pour rêver.

Rêver. Rêver des paysages de landes, que je n'ai jamais vus, que je voudrais connaître. Planer dans les vertes contrées des Cornouailles, sous le drapeau noir à croix blanche des enfants de Kernow, comme dit la chanson. Rencontrer les fils et filles du Nord, les païens sur les côtes déchirées, l'ombre des prêtresses de Tintagel.

Se ressourcer aux sources mêmes, libre dans le vent et les bourrasques, être en accord avec ce que je chante, ce que je pense, pouvoir atteindre en vrai l'extase des rêves tourmentés de mes nuits et de mes jours.

Sentiment d'évasion que j'ai toujours ressenti, qui se réveille quand la routine s'installe; Paris reste mon rêve, mais pas ma vie, ma vie est ailleurs et partout, et la prochaine étape, la voici.  Il y a des moments où l'on sent que le mental ne suit plus, que le corps est déjà mort, ou endormi pour un trop long sommeil. Ne plus être émerveillé, chaque jour, par ce que l'on voit, ne plus tomber en admiration, ne même plus voir où l'on marche, vivre une vie de robot léthargique, autant de signes de détresse que j'aurai pu voir avant, que je ne vois que trop tard. Partir vite, fuir cette ville adorée avant de la détester, pour mieux la revoir, pour mieux repartir ensuite.

Where a white cross on a black field standing
Proudly waves above the landing place
Beneath the rugged cliffs of Cornwall, my true love

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"A chaque anniversaire j'ai levé mon verre à quand je t'aimais d'amour, je t'aimais mon amour"
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